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Le crime organisé sous toutes ses formes

3 Juin 2009 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Revue de Presse

«L'émigration clandestine est une menace pour la sécurité et la santé publiques», a affirmé hier un responsable de la Gendarmerie nationale.
La Commission de la défense nationale de l'APN a organisé hier, au cercle national de l'armée, une journée parlementaire sur la lutte contre les diverses formes de crime organisé transfrontalier. Le colonel Djamel Abdessalam Zeghida, chef du département de la police judiciaire au commandement de la gendarmerie nationale, a été le premier à s'exprimer sur le «contrôle du flux migratoire aux frontières.» Son premier constat: «l'étendue des frontières terrestres (6.511 km) que l'Algérie partage avec 7 pays et ses frontières maritimes (1.200 km) qui lui marquent une proximité avec l'Europe ainsi que la configuration des espaces désertiques et accidentés, constituent un facteur favorisant l'évolution des activités criminelles transfrontalières particulièrement le trafic de stupéfiants et la contrebande.» Il fait remarquer ainsi que 86% du territoire national, ce sont les régions du Sud mais où ne vivent que 11% de la population. Ces territoires constituent, selon lui, «la zone la plus sensible car recelant toute la richesse énergétique du pays.» Les longues frontières terrestres ont permis ainsi le développement d'une immigration irrégulière en provenance de 48 pays, la plupart africains. «Les statistiques laissent apparaître une croissance très rapide de ce phénomène qui s'est accéléré durant ces dix dernières années», fait-il savoir. Et toujours selon le représentant de la gendarmerie nationale, «la tendance à la hausse révèle que les prévisions dans un proche avenir seront beaucoup plus importantes». Ce qu'il montre par les chiffres en soulignant qu'au titre de l'immigration irrégulière, si en 2000, il y a eu 740 affaires traitées et 2.806 personnes arrêtées, en 2008, ces chiffres ont plus que doublé à raison de 1.755 affaires traitées et 7.824 personnes arrêtées. Et si en 2006, il a été relevé l'entrée illégale de 6.178 étrangers à raison de 515 par mois, rien que pour le 1er trimestre 2009, il a été recensé 2.277 étrangers pour une tendance de 652 entrées illégales par mois. En plus d'une immigration irrégulière d'origine africaine, vient, a-t-il constaté, «se greffer une migration de ressortissants de pays asiatiques.» Le conférencier estime ainsi que «la migration sur l'Algérie va, à l'avenir, s'accentuer davantage au regard de la transformation progressive du pays en un lieu de fixation pour les immigrants irréguliers en raison de la crise financière et économique mondiale qui a généré une crise de l'emploi en Europe.» 

Les sociétés écrans, «toute une entreprise criminelle»
«L'évolution du phénomène migratoire et sa connexion avérée avec les autres formes d'activités criminelles organisées constituent une réelle menace pour l'ordre et la sécurité publics», souligne-t-il. Et, ajoute-t-il, «au-delà des problèmes de santé publique résultant de ces nouvelles pathologies comme le sida, l'immigration irrégulière porte préjudice à l'équilibre social des populations du Sud.» Il est noté que la prise en charge médicale d'un malade clandestin revient à 20 000 DA. «20% seulement des clandestins se présentent pour des soins», dit le conférencier. La gendarmerie a relevé que les immigrants sont impliqués dans de nombreuses formes de criminalité organisée comme les activités illégales de commerce, de faux documents, de fausse monnaie, d'escroquerie, de prostitution, de drogue, d'armes et de terrorisme.
Le commissaire à la direction de la police judiciaire (DGSN), Mostefaoui Abdelkader, fait état pour sa part, d'augmentation en 2009, de trafic aux frontières terrestres de cigarettes étrangères, de cheptel et de carburant. Il parlera aussi de la cybercriminalité qui, selon lui, n'est pas répandue en Algérie mais va se développer avec l'ouverture du marché d'Internet. Pour l'instant, l'Algérie tente de faire face aux vols d'argent par Internet (ou le vol de fonds par fishing) et à l'escroquerie ou ce qu'on appelle le SCAM 419 en référence à une disposition du code pénal nigérian qui en a été le premier à en parler. Le vol de pièces archéologiques et des voitures est aussi noté avec insistance. L'impact de la migration sur l'économie nationale est le blanchiment d'argent, la prolifération de sociétés écrans, qui constituent, dit le conférencier, «toute une entreprise criminelle», les transferts financiers illégaux, les fausses déclarations en douane et la corruption. La stratégie de la police pour lutter contre ces fléaux se cristallise à travers, entre autres, la formation spécialisée et la restructuration des services de police judiciaire qui intégrera prochainement la cybercriminalité.

Les harraga n'ont pas de réseaux structurés
Le représentant de la gendarmerie nationale avait, lui, avant, affirmé que l'Algérie a procédé au démantèlement de réseaux turcs, syriens et palestiniens qui, une fois arrivés sur le territoire national, procédaient à la falsification de visas Schengen. C'est ainsi que le conférencier évoque le phénomène des harraga qui, a-t-il noté, «apparu en 2005 s'est accentué à travers les wilayas côtières et est favorisé par les courtes distances qui séparent les côtes algériennes de celles de l'Espagne (100 km à 180 km entre la wilaya de Aïn Témouchent et Almeria) et de l'Italie, 217 km entre El-Tarf et la Sardaigne). Mais les enquêtes menées à ce jour démontrent que ce phénomène de «la harga» n'a pas de réseaux structurés et ses activités ne sont pas encore organisées. Selon son étude, avant qu'ils ne décident de l'être, 62% des harraga ont fait des demandes de visa qu'ils ont vues rejetées.
Pour lui, la question de la migration «doit être appréhendée selon une approche globale intégrée, concertée et équilibrée.» Et «son traitement doit s'opérer à travers la prise en charge des causes profondes que sont l'écart de développement, une meilleure circulation qui ne peut que réduire la migration clandestine et par-là même le rôle des filières de trafiquants d'êtres humains.» Il ajoute que «la coopération des pays du Sud dans la lutte contre le phénomène est intimement liée aux efforts que consentiraient les pays du Nord en matière d'immigration légale et de circulation des personnes.» Il revendique le respect de la libre circulation des personnes entre les Etats par la mise en place de mécanismes d'organisation de cette migration. Il fait remarquer au passage que «l'intervention en Algérie ne se fait pas dans le but policier de lutte mais il y a d'autres aspects particulièrement pour l'armée qui fait de la surveillance dans un souci humain.»

Des importations sous des prête-noms
Bouanane Ben Medjber, directeur de la lutte contre la fraude douanière, évoquera le lien entre la contrebande, le blanchiment d'argent et le terrorisme. Il parlera des faux et usages de faux en factures, de documents commerciaux de dédouanement et de l'utilisation frauduleuse des registres de commerce. «400 containers sont bloqués dans les ports et aéroports et personne ne les réclame», a-t-il affirmé en précisant «parce que ce sont des importations sous des prête-noms.» Il pense aussi que «les commissionnaires en douanes sont généralement complices dans les actes frauduleux au niveau des ports et aéroports.» Ils seront nombreux les conférenciers à vanter les bienfaits du NIF (numéro d'identification fiscale) qui, selon ce directeur, «a mis définitivement fin à l'usage des faux.» A cet effet aussi, un protocole est en cours de signature avec la police et un autre avec la Banque d'Algérie pour, dit-il, «éviter l'affaire Bir El-Atter.» Kouider Benhamed Djillali, directeur des recherches à la DG des impôts, met lui aussi en avant le NIF et qualifie l'informel «de phénomène occulte et immensurable.» Ce qui le laisse avancer que 40% de fraude fiscale comme annoncée par le responsable des impôts «est un taux exagéré parce que c'est calculé par rapport à la masse monétaire alors que je pense qu'il faut la calculer par rapport à la moins-value fiscale.» Les causes de l'informel et l'évasion fiscale sont entre autres selon lui, les dysfonctionnements dans la sphère économique et commerciale, l'absence de régulation et de contrôle du marché, la pression fiscale (en Algérie, elle est l'une des plus faibles dans le bassin méditerranéen), la faible collaboration intersectorielle, les procédures supposées complexes, l'incivisme et l'absence d'un marché immobilier transparent...
(Quotidien d'Oran - 03 juin 2009)
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