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Alger : Bois des Arcades ou bois de la honte ?

28 Mai 2009 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Revue de Presse

Indigne, honteux, déshonorant, abject, ignominieux, les adjectifs les plus exécrables ne sont en réalité que de simples euphémismes lorsqu’on veut les employer pour décrire la saleté qui a transformé le bois des Arcades en un dépotoir à ciel ouvert. Sacs en plastique, cannettes de sodas et de bière, tessons de bouteilles et emballages en tous genres jonchent le sol de cette forêt, enlaidissant ce site qui, il y a quelques années, était un paradisiaque coin de villégiature et de verdure. Les poubelles installées à et là dégagent des odeurs pestilentielles, à telle enseigne que les promeneurs doivent presser le pas pour éviter de s’asphyxier. La si belle forêt qui a fait la réputation d’Alger durant des générations entières tombe ainsi en décrépitude et sans que cela émeuve aucunement les pouvoirs publics !
Surplombant le jardin d’Essais du Hamma et faisant face au centre commercial de Riadh El Feth, le Bois des Arcades abrite en vérité une décharge que l’Office Riadh El-Feth (OREF) a «planté» il y a de cela plus de dix ans pour contenir tous les déchets et les ordures que pas moins de 13 restaurants et salons de thé, ils étaient naguère plus de 20, lesquels sont implantés au sein même de la forêt, rejettent au quotidien. Or, par manque de bennes à ordures et de clôtures pour les séparer de la forêt, les ordures sont larguées à même le sol et sous les arbres. Cette atteinte inqualifiable à l’environnement, qui date depuis des années, a fini par écorcher la beauté et le charme d’antan de ce site merveilleux. Offrant un panorama à couper le souffle aux regards des visiteurs qui s’aventurent dans les entrailles de ce bois ombragé dont les majestueux arbres et l’air frais bercent les visiteurs bucoliques et les amoureux qui s’y promènent, et s’y reposent, le temps d’une journée dédiée à l’évasion, le site subit continuellement des dégradations de plus en plus importantes. Aujourd’hui, les amoureux du Bois des Arcades tirent la sonnette d’alarme et appellent les pouvoirs publics à agir en urgence pour sauver cette forêt de sa déchéance programmée.
Longtemps accusés de polluer la superbe forêt, les restaurateurs du coin, les plus chics et les plus réputés de toute la capitale, rejettent la responsabilité sur l’OREF, pour lequel ils versent chaque mois des millions de centimes en guise de loyer. «Nous ne sommes pas responsables de la dégradation de la forêt. Sa protection et sa propreté incombent à l’OREF. Mais, avez-vous remarqué ses agents en train de nettoyer ou de balayer ? Eh bien, vous avez la réponse. Ils se contrefichent de l’environnement. L’OREF n’assume jamais sa responsabilité», confie tout go Cherif Laradi, patron du célère restaurant «Au bon gibier», dont la façade en bois et le décor intérieur conçu en harmonie avec l’espace verdoyant est une invitation à la sérénité. «Nous payons 19 millions de centimes chaque mois en guise de loyer. Cette somme comprend également les charges relatives à la sécurité et à la propreté des lieux que l’OREF doit assurer. Mais, malheureusement, chaque jour des couples prennent d’assaut le bois et laissent derrière eux des sacs de déchets. Nous n’avons jamais vu les agents de l’OREF nettoyer les lieux de ces immondices. Ils sont tout simplement aux abonnés absents. Nous avons dû donc construire des clôtures pour préserver la propreté de notre restaurant. Même notre sécurité, c’est nous qui l’assurons grâce à nos gardiens, car l’OREF n’a jamais inquiété les voyous des quartiers avoisinants qui, chaque jour, s’adonnent à tous les trafics ici», témoigne notre interlocuteur. Celui-ci nous apprend également que son loyer ne cesse d’augmenter chaque année. Lorsqu’il s’est installé au bois des Arcades, il y a six ans de cela, il payait pour sa concession, une surface exploitable de 400 m2, un loyer de 3 millions de centimes. Aujourd’hui, ce loyer atteint pratiquement les 20 millions de centimes. Mais, en contrepartie, le restaurateur affirme n’avoir jamais bénéficié de l’assistance ou de l’aide de l’OREF. «Croyez-moi, c’est moi qui paie les frais du désherbage des espaces mitoyens du restaurant alors que cette tâche est du ressort de l’OREF. Je n’admets pas que mes clients, des étrangers pour la plupart, subissent le spectacle hideux de la saleté des lieux. Même la route, très étroite pour accueillir les véhicules des clients, c’est moi qui ai entrepris les travaux de son agrandissement. L’OREF ne nous a jamais tendu la main», regrette Cherif Laradi.   
Au restaurant El-Boustane, l’autre célèbre restaurant du Bois des Arcades, assurément le mieux loti grâce à sa terrasse qui surplombe toute la baie d’Alger, on entend le même son de cloche. Son gérant, Smaïl Belkheir, tient à nous montrer son livre d’or, où des personnalités célébrissimes ont laissé d’affectueux témoignages, pour nous convaincre de la réputation et du sérieux du coin. «Ici on n’accepte pas n’importe qui. C’est pour cela que tout le monde avoue que nous ne sommes guère un établissement à problèmes. Mais, nous aussi, nous subissons à nos dépens la pollution de la forêt. Pourtant, nous avons, à maintes reprises, saisi l’OREF. Ces équipes de nettoyage n’accomplissent pas leur mission. En plus, implanter une décharge dans la forêt est vraiment une mauvaise idée. Ils nous obligent à déverser nos poubelles dans cette décharge. Toutefois, ils ne transfèrent pas après les déchets ailleurs. Croyez-moi, des délégations ministérielles viennent manger chez nous en passant juste à côté de ce dépotoir. Des délégations étrangères et des diplomates y viennent également. J’ai vraiment honte de cette situation. L’OREF doit vraiment se ressaisir et intervenir en urgence», relève notre interlocuteur.
De son côté, la direction de l’OREF n’a pas souhaité nous accueillir pour éclairer notre lanterne sur l’état lamentable du bois des Arcades. Sur place, le DG de l’office nous a orientés vers le directeur de l’animation. Celui-ci n’était pas souvent dans son bureau. Quelques agents nous ont indiqué que le ramassage des ordures du bois des Arcades est effectué par Netcom de 21 h à  minuit. «Mais les restaurateurs ne respectent nullement les horaires et attendent toujours la fin de leur soirée, vers 3 ou 4 h du matin, pour déposer leurs poubelles», expliquent-ils. Chacun renvoie la balle dans le camp de l’autre.
En attendant un sursaut d’orgueil des autorités, le Bois des Arcades se meurt lentement sous les déchets…  

(La Tribune - 28 mai 2009)

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