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Oran : 10 ans de réclusion pour « le chef de quai » de Haï Nour

10 Avril 2017 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Justice, #Oran, #Tribunal criminel

Jeudi 6 avril, le tribunal criminel près la cour d’Oran a examiné une affaire dans laquelle un « chef de quai » autoproclamé était accusé d’avoir tenté de tuer un transporteur clandestin. Procès qui aurait pu être évité si les pouvoirs publics n’avaient pas fermé les yeux sur le développement ahurissant de l’économie souterraine qui, dans le domaine du transport, a vu l’apparition des transporteurs clandestins, des gardiens de parkings et des responsables de quai autoproclamés ; ceux-ci s’étant, naturellement imposés par la force et la violence.

Selon l’arrête de renvoi, les faits de l’affaire jugée jeudi dernier se sont déroulés le 16 mars 2016 à Haï Nour, quartier chaud nouvellement construit dans zone d’extension Est d’Oran. Ce mercredi-là, A. Kada, transporteur clandestin, a une altercation avec son voisin M. Houari, chef de quai autoproclamé, qui lui intime l’ordre de se ranger en fin de file, derrière les autres voitures : « Il y avait déjà quelques transporteurs qui attendaient les clients, et il était passé devant comme si de rien n’était », justifiera plus tard Houari devant le tribunal criminel. Le ton monte entre les deux antagonistes, l’un refusant de se laisser intimider par un « chef de quai qui s’est imposé par la force », l’autre s’entêtant à faire valoir une autorité qui lui permet de percevoir 100 DA de la part de chaque transporteur. Des témoins interviennent et séparent les deux hommes. Houari monte chez lui, redescend muni d’un couteau à cran d’arrêt et d’un marteau et se dirige droit sur A. Kada qui est en conversation avec deux voisins. « J’aurais dû partir mais j’ai commis l’erreur de m’avancer vers lui en lui jetant : ‘tu veux me frapper ?’. Je ne pensais pas que notre altercation avait été très importante », expliquera Kada lors du procès. Dès qu’il arrive à sa hauteur, Houari portera un premier coup de couteau au ventre de son adversaire qui, en tentant de s’enfuir, recevra un second coup dans le dos. Immédiatement évacué aux urgences du proche EHU de l’USTO, Kada se voit rassuré par des médecins : les blessures ne sont pas graves, les premiers soins suffisent, il peut rentrer chez lui. Le soir venu, pourtant, il est alerté par une hémorragie et il décide de se rendre au CHU d’Oran. A Oran, la population semble faire plus confiance au vieux CHU de Plateau St-Michel qu’au gigantesque EHU 1er novembre. Le médecin qui l’examine considère que la blessure à l’abdomen est très sérieuse et qu’une intervention chirurgicale s’impose. Kada s’en sort avec 60 jours d’incapacité et une incapacité partielle permanente de 15%. Autant dire que le jeune homme a failli perdre la vie.

La victime porte plainte et Houari est arrêté et inculpé des chefs d’accusation de tentative de meurtre avec préméditation suivant les articles 30, 254, 255, 256 et 263 du Code pénale.

A la barre, M. Houari se défend de toute intention criminelle et affirme s’être simplement défendu : « C’est lui qui m’a menacé avec un cutter et m’a frappé le premier.  Je reconnais l’avoir donné un coup de couteau mais je nie avoir tenu un marteau », dit-il en substance en mettant en avant son travail de régulateur du mouvement des transporteurs clandestins.

Appelé à déposé, A. Kada rappelle les faits (tels qu’ils ont été consignés dans l’arrêt de renvoi) et dira regretter « de ne pas avoir battu en retraite » lorsque Houari était redescendu avec un couteau dans une main et un marteau dans l’autre. A titre de dédommagement, il réclame 160 millions de centimes.

Dans un réquisitoire laconique, le représentant du ministère public demande la peine de 12 années de réclusion criminelle.

L’avocat de la défense mettra en doute la version présentée par le plaignant et soulignera son tempérament belliqueux : « Il est connu pour sa violence et a déjà eu maille à partir avec la justice. Notre client a cherché le couteau pour se défendre parce que c’est le plaignant qui l’a agressé en premier », affirmera-t-il en indiquant que Kada n’avait aucun problème avec les autres transporteurs clandestins. L’avocat regrettera l’absence du témoin qui, selon lui, aurait confirmé la version de son client qui, ajoutera-t-il, n’a jamais eu l’intention de tuer : « D’ailleurs, l’opération chirurgicale que le plaignant a subie est due à la négligence du personnel de l’EHU de l’USTO. A l’origine, la blessure à l’abdomen, comme celle du dos, était superficielle, à peine 1 cm, selon les conclusions de la médecine légale», assénera-t-il en brandissant le document du médecin légiste. Il terminera en réitérant sa conviction que cette affaire n’est rien d’autre qu’une altercation qui a mal tourné et qu’il n’y avait pas volonté de commettre un crime. Il priera la cour de requalifier le chef d’inculpation d’homicide volontaire avec préméditation en coups et blessures volontaires, selon l’article 264 du Code pénal.

Après délibérations, la cour condamnera le prévenu M. Houari à 10 ans de réclusion criminelle et à verser à la victime 100 millions de centimes à titre de dédommagement pour le préjudice subi.

S. Ould Ali

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